Cyan

17 Avr

Cyan

Je marche dans l’hiver

De l’ancien village du Sault-au-Récollet

Bâti autour de l’église

Et de l’île de La Visitation

*

Le néophyte Ahuntsic

N’est n’est plus qu’une statue

Et le père Nicolas Viel le nom d’un parc

La Skawanoti est devenue la Black River

Puis la rivière des Prairies

*

Les Hurons campaient plus à l’est

Avant les premiers rapides

Quelqu’un a trouvé des artefacts

En creusant pour construire

*

Près de la rue du Pont

La couleur cyan d’un vieux mur de bois chaulé

M’arrête à chaque fois

On dirait une grange

Affleurant de l’enfance

Du passé de Montréal

Comme du mien

*

Je marche dans la poudrerie

Il reste quelques vieilles maisons

Et des échos de chansons

Qui tournent dans la tête

Et se suspendent

Devant ce mur chaulé

Couleur cyan

*

Sur ce mur j’imagine se rassembler

Des parties de moi oubliées dans le temps

Comme les chevaux de profil

Peints en ocre et terre brûlée

Au grand galop

Sur les parois des grottes de la préhistoire

*

Nous sommes innombrables

Et elles sont nombreuses

Celles dont je me rappelle

*

La petite fille de cinq ans

Arrivée de la campagne

En robe du dimanche près de l’étang

*

La communiante de sept ans

Pleine de ferveur mystique

Une chaude journée d’été

Dans la fraîcheur agréable de la vieille église

*

L’adolescente de treize ans

Le jeudi de l’Ascension

Lisait Rimbaud au soleil sur le bord de l’eau

*

À quinze ans, elle écrivait des poèmes sombres

Inspirés par l’eau noire et tumultueuse

Du ruisseau des Moulins

Un jour de tempête de neige

*

Et l’automne suivant

La jeune fille de seize ans

Embrassait un garçon du collège

Sous le saule-pleureur

Qui se trouve encore là

*

Je est un autre disait le poète

Et elle savait que c’était vrai

Qu’une part d’elle

Manquait encore

Perdue

Dans l’univers

*

Qu’elle la verrait peut-être un jour

Sur ce vieux mur bleu-vert

Revenir de son exil cyan

Pour se mêler à elle

*

Éternelle

Petite fille à l’échelle de ce printemps

Qu’on n’arrête pas

Et qui finira bien par arriver

*

À paraître dans la revue Lèvres urbaines #49, au Festival de la Poésie de Montréal 2017

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