Archive | Dans le monde inversé de l’eau RSS feed for this section

Dans le monde inversé de l’eau

10 Juin

Rivière du Nord, 9 août 2018 (grand format)

LIMINAIRE

Ils viennent peut-être du futur de l’anthropocène

l’eau est assez rare pour qu’ils soient fascinés par cette rivière

nous ne sommes, nous, qu’au début de la sixième extinction

il fait déjà trop chaud pour la mi-septembre

cette année-là, il n’y aura pas d’été des Indiens

la rivière, étroite et sinueuse, se perd dans les hautes herbes

le niveau d’eau est bas

quand elle coule sur les roches qui affleurent

la rivière chantonne

c’est ce murmure de l’eau qui les a d’abord attirés

le son est rare dans le désert qu’ils traversent

ils sont trois peut-être, montés sur des chevaux

ils se sont arrêtés devant ce mirage

et je les vois, moi, dans le monde inversé de l’eau

Dans le monde inversé de l’eau (4)

25 Avr

En marchant dans le parc

une dame m’est apparue

dans l’asphalte mouillé d’un sentier

juste avant qu’il ne bifurque

elle avait le coeur en nuages

égratigné de branches

dans un rêve cette nuit-là

j’ai reçu dans l’œil droit

une branche de cette flaque

et j’ai vu mon double et moi

des fées jumelles, libellules humaines

nous conversions gaiement

comme des écolières

Dans le monde inversé de l’eau (3)

15 Fév

IMG_9632

Le kayak glisse sur l’eau du lac
traverse des nuages
pénètre le reflet du mont Kaikoop
masse silencieuse
puissance de pierre
bruissement d’arbres

et soudain les plumes noires
striées de blanc
d’un huard
il s’avance à mon rythme
sur le miroir de l’eau
me guide vers les profondeurs
de la montagne liquide
qui s’ouvre sous le coup de pagaie
tremblante, émue
troublée, secrète

Dans le monde inversé de l’eau (2)

20 Jan

LA LUNE DU LOUP

 

Une nuit d’hiver

réveillée par une bourrasque

j’écoute la maison craquer

le souffle du dormeur

le bruit d’un chasse-neige au loin

bien au chaud

je respire l’air polaire

et je me laisse bercer

par le hurlement du loup

à la lisière des rêves

Dans le monde inversé de l’eau (1)

13 Jan

Ils viennent peut-être du futur de l’anthropocène

l’eau est assez rare pour qu’ils soient fascinés par cette rivière

nous ne sommes, nous, qu’au début de cette 6e extinction

il fait déjà trop chaud pour la mi-septembre

cette année-là, il n’y aura pas d’été des Indiens

la rivière,étroite et sinueuse, se perd dans les hautes herbes

le niveau d’eau est bas

quand elle coule sur les roches qui affleurent

la rivière chantonne

c’est ce murmure de l’eau qui les a d’abord attirés

le son est rare dans le désert qu’ils traversent

ils sont trois peut-être, montés sur des dromadaires

ils se sont arrêtés devant ce mirage

et je les vois, moi, dans le monde inversé de l’eau

Dans le monde inversé de l’eau (notes)

29 Juil

Notes de voyages dans la réalité non-ordinaire

L’esprit de la lune

Lune inversée

Je suis la lune pleine

Blanche de fulgurances

De révélations

De lumière et de grandes marées

Dans le coeur et dans les veines

Je suis la lune pleine

Je décrois en pente douce

De demi-lune en croissant

Je décrois sans résistance

Lente et douce

Je décrois jusqu’à disparaître

Je suis la lune noire

Des sortilèges et des secrets

De ce qui se trouve de l’autre côté

De tout le travail invisible des bêtes

Des criquets, des libellules

Des lucioles magiques

Je suis la Grande Occulte

Je cache et je protège

Je suis la lune noire

Je suis la lune croissante

Comme une joie qui monte

Dans les reins

L’enthousiasme, l’énergie

L’ardeur au travail

Je croîs jusqu’à éclater

De lumière et de brillance

Je croîs, je croîs 

Et je suis pleine

Encore une fois

Dans le monde inversé de l’eau (notes)

27 Juil

Notes de voyages dans la réalité non-ordinaire

Photo 2

L’esprit du vent

L’esprit du vent transporte

Le soupir millénaire des pierres

La respiration des arbres

Le murmure du ruisseau

L’esprit du vent porte

La couleur des fleurs

Le chant d’une âme

Le contact avec les disparus

Une branche morte qui tombe

Et te montre ta place

La peur qui t’agrippe dans le dos

Quand tu entends des pas derrière toi

Un avion dans le ciel

Dans le monde inversé de l’eau (notes sur « La batèche » de Gaston Miron)

25 Juil

Notes de voyages dans la réalité non-ordinaire

Photo 1bis

Dans le cadre de l’atelier «Les esprits de la nature» donné par la chamane Loumitea  http://www.lamessageredevie.com/ à La Chaumière Fleur-Soleil de Val David les 23 et 24 juillet 2016.

Avant d’entreprendre la transcription des quelques notes qui ont souvent pris la forme de poèmes nourris par les enseignements du chamanisne essentiel de Michael Harner http://www.shamanism.org/  et par l’intelligence collective des participants, je voudrais d’abord présenter le plus beau poème chamanique que je connaisse. Il s’agit de «La batèche» de Gaston Miron: http://lapoesiequejaime.net/miron_I.htm#sequences

Dans un de mes voyages au son des tambours de Loumitea et de son assistante Vikki Walker, j’ai rencontré « l’homme croa croa ». La référence semblant échapper à la plupart ( dont une jeune femme d’origine russe et un couple suisse de passage ), je vais d’abord commencer cette série de textes que j’ai intitulée Le monde inversé de l’eau par un extrait de ce grand poème du premier poète québécois à qui on ait fait des funérailles nationales.

C’est dans « La batèche » qu’on trouve l’expression « l’homme croa-croa ». Bien que Gaston Miron—né à Sainte-Agathe des Monts en 1928 et décédé en 1996— n’aurait  probablement pas revendiqué cet aspect chamanique de sa poésie, il avait de toute évidence quelques gouttes de sang autochtone comme beaucoup de Québécois « de souche ». C’est ce savoir ancestral que j’entendais affleurer dans sa poésie quand il la récitait en public. Et c’est particulièrement sensible dans ce passage de «La batèche»:

Les lointains soleils carillonneurs du Haut-Abitibi

s’éloignent emmêlés d’érosions

avec un ciel de ouananiche et de fin d’automne

ô loups des forêts de Grand-Remous

votre ronde pareille à ma folie

parmi les tendres bouleaux que la lune dénonce

dans la nuit semée de montagnes en éclats

de sol tracté d’éloignement

j’erre sous la pluie soudaine et qui voyage

la vie tiraillée qui grince dans les girouettes

homme croa-croa

toujours à renaître de ses clameurs découragées

C’est dans la « ronde des loups » que le poète voit surgir « l’homme croa-croa » ce Québecanthrope qui « peine dans son manque de mots et de pensée » comme l’écrit ailleurs Miron dans L’homme rapaillé. Et c’est sous un ciel de ouananiche et de fin d’automne que le poète fusionne avec l’homme-corbeau qui croasse sa langue de Damned Canuck de damned de Canuck de pea soup et se libère de la raque des amanchures des parlures et des sacrures/ [ lui ] le raqué de partout batèche / nous les raqués de l’histoire batèche.